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         La
        matière populaire de Bretagne et les chants en particulier suscitèrent
        un grand intérêt pour les lettrés du 19ème
        siècle. C’est à cette époque
        que l’on voit naître les premières publications. 
        
         
        Une
        des œuvres majeures, le « Barzaz-Breiz », va avoir une
        importance considérable pour la recherche dans ce domaine. Traduit en
        plusieurs langues, dès sa première édition en 1839, il va engendrer
        d’autres collectes. Celles-ci vont se poursuivre jusqu’à nos jours,
        apportant ainsi critiques, nouveaux éclairages et plus grandes
        connaissances de ces chants et de cette musique. 
        
        
         
        C’est
        également au cours de ce siècle, que 
        la Bretagne
        va voir naître un attrait pour sa nature, ses coutumes, sa langue…
        Ainsi : peintres, voyageurs, illustrateurs, antiquaires, compositeurs
        vont lui porter un regard tout particulier. Cette passion est toujours
        d’actualité, même si les centres d’intérêts se sont déplacés
        et vulgarisés. 
        
        
         
        C’est
        dans cet esprit que Charles Koechlin manifeste son intérêt pour
        les musiques populaires, dont la musique bretonne. Entre 1931 et 1932 il
        harmonise 20 pièces pour piano et violoncelle, puisées dans le Barzaz-Breiz.
        
        
        
         
        Son
        écriture laisse transparaître un goût pour l’harmonisation, mais
        surtout un profond respect pour la ligne mélodique. Ce qui fera dire à
        Manuel de Falla : « Quant
        aux chansons populaires bretonnes, elles ont été pour moi une pure
        jouissance. Et avec quelle belle parure vous les avez rehaussées ! ». 
        
        
         
        L’écriture,
        qu’elle soit poétique ou musicale, ne nous montre qu’un des aspect
        de cette culture. Peu soucieux du regard qu’on lui porte, le peuple
        continue de vivre sa réalité de paysan, d’ouvrier… Rythmant son
        quotidien, la chanson, la danse ou les histoires, le transporte vers un
        imaginaire. 
        
        
         
        Le
        renouveau des festoù-noz dans l’immédiate après guerre et les
        collectes enregistrées de la fin des années 50 vont nous apporter un
        éclairage différent et un autre regard sur ces « passeurs de mémoire
        ». Timbre, interprétation, style… sont au cœur de la recherche. 
        
        
         
        Fort
        de ces réflexions et de notre démarche, j’ai imaginé un dialogue
        s’instaurant entre ces 3 réalités : le lettré, le compositeur et le
        chanteur populaire. 3 réalités, 3 instruments, 3 temps. 
        
        
         
        Faire
        dialoguer, l’oral et l’écrit, la liberté du populaire avec la
        rigueur d’une composition ou d’une re-transcription, afin d’en
        faire une œuvre actuelle et respectueuse du regard de chacun. 
        
        
         
        Théodore
        Hersart de 
        la Villemar
        qué, 1815 – 1895, Quimperlé (Finistère) 
        
        
         
        Étudiant
        au collège jésuite de Vannes et élève à l'École des Chartes de
        Paris, il y passe ses vacances accumulant ses transcriptions de chants
        en breton et de leur musique sur des carnets de collecte. Beaucoup des
        personnes qui chantent pour lui sont des familiers de sa famille propriétaire
        de fermes : paysans, ouvriers agricoles, serviteurs et servantes,
        charbonniers, etc. 
        
        
         
        En
        1839, il publie le Barzaz Breiz, chants populaires de 
        la Bretagne
        qui lui donne à 24 ans un extraordinaire succès mondain et littéraire.
        George Sand dit alors son admiration pour « les diamants du Barzaz
        Breiz » et invente à ce propos le concept de littérature orale. 
        
        
         
        Cet
        ouvrage a beaucoup inspiré des compositeurs et des peintres et incité
        à s’intéresser de plus près à la tradition orale.  
        
        
        
         
        Charles
        Koechlin, 1867-1950.  
        
        
        
         
        "Le
        trait essentiel qui domine ma vie, c'est la passion de la liberté."
        
        
         
        Les
        Chansons bretonnes de Charles
        Koechlin ou l’actualisation d’un répertoire populaire ancien. 
        
        
         
        Lorsque
        Manuel de Falla fait part à Charles Kœchlin de son
        enthousiasme pour ses Chansons bretonnes (1931-1932), opus
        115 et opus 115bis,
        transparaît également la reconnaissance d’avoir su mettre en valeur
        le répertoire populaire dont elles sont issues : « Quant aux Chansons
        [bretonnes], elles ont été
        pour moi une pure jouissance. Et avec quelle belle parure vous les avez
        rehaussées ! ». Bien au-delà d’une réalisation de circonstance,
        Koechlin « souhaitait voir nos meilleurs musiciens sauver ces trésors
        en voie de se perdre, en facilitant leur diffusion par le moyen
        d’harmonisations, d’orchestrations et d’enregistrements […] ; il
        prêcha d’ailleurs d’exemple en transcrivant pour violoncelle et
        orchestre toute une série de Chansons
        bretonnes ». Ces pièces, ayant pour vocation d’être « sans
        difficulté à nouveau comprises du peuple d’aujourd’hui »,
        illustrent les idéaux socio-politiques du compositeur, ce dernier les
        citant en exemple dans deux articles parus dans L’art
        musical populaire, « La vraie et la fausse musique populaire » et
        « La musique et le peuple». 
        
         
        Élaboration
        des Chansons bretonnes 
        
        
         
        Sur
        son dernier brouillon avant le net Koechlin précise, dans le titre,
        qu’il s’agit de Vingt chansons bretonnes extraites de Barzas Breiz. Le recueil de Chants
        populaires de 
        la Bretagne
        , Barza(z)-Brei(z), est l’œuvre de Théodore Hersart de 
        La Villemarqué
        (1815-1895), qui publiera cet écrit à trois reprises : en 1839, 1845
        et 1867. L’ouvrage, dans sa version la plus achevée, présente
        soixante-treize mélodies réparties comme suit : « la manière dont
        j’ai classé les chants de ce recueil m’a toujours été indiquée
        par eux [les chanteurs] . Comme eux je les ai divisés en trois catégories
        principales, à savoir : 1°, en chants historiques (Gwerzéennou)
        ; 2°, en chants d’amour (Sounennou)
        ; 3°, en chants religieux (Kanaouennou)
        ». 
        
        
         
        Quant
        au compositeur, en actualisant certaines mélodies d’un temps révolu,
        il s’instaure d’emblée comme un médiateur entre différentes
        strates temporelles (celle, difficilement appréciable, de la création
        de la mélodie, celle de la fixation par la collecte au XIXe
        siècle, la dernière enfin étant
        sa présentation au XXe
        siècle). 
        
         
        Les
        Vingt chansons bretonnes, opus 115,
        pour piano et violoncelle furent composées entre mars 1931 et 1932, six
        d’entre elles furent créées en 1932 et trois autres en 1934, un
        manuscrit conservé à 
        la BnF
        se présentant sous forme d’une harmonisation pour piano de vingt et
        une mélodies. 
        
        
         
        Caractéristiques
        stylistiques 
        
        
         
        Les
        Chansons bretonnes se présentent
        sous forme d’un duo, dans lequel le violoncelle énonce la mélodie
        dans la majeure partie des cas et le piano sa « parure », l’exposé
        de la mélodie de Notre-Dame du
        Folgoat au piano constituant une exception. Ce dispositif laisse
        transparaître un goût pour l’harmonisation mais surtout le plus
        profond respect de la ligne mélodique. Pour Charles Koechlin il
        s’agit autant d’une déférence envers un répertoire qu’un procédé
        habituel de composition : « sa façon même de travailler lui suggérait
        une conception plus mélodique, parfois même tout à fait monodique
        […] nombre de ses compositions ne comportent qu’une
        seule partie […] Quant aux œuvres dont, comme Berlioz, il écrit
        d’abord le chant, il semble
        bien que la vie de l’inspiration gagne à cela ». 
        
        
         
        Sur
        un plan rythmique Koechlin est à l’écoute des appuis, accents et durées
        propres à chaque mélodie, sensibilité en prolongement de celle de Bourgault-Ducoudray
        : « la plus grande originalité de la musique bretonne n’est pas tant
        dans la mesure elle-même que dans le nombre de mesures dont se
        composent les phrases musicales et dans la construction des périodes mélodiques
        ». En conséquence le compositeur adopte majoritairement la mesure de
        transcription proposée par 
        La Villemarqué.  |